Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Nous re partons faire un tour
5 février 2020

Un autre pays

 

C’est bien le but d’un voyage que d’aller découvrir un, des autres pays. Nous sommes au moment du changement de cap. Globalement, jusqu’à Ushuaia, nous avons navigué vers le sud. Nous allons repartir vers le nord, c’est-à-dire vers la chaleur. Nous avons passé un week-end à Ushuaia. Phrase empreinte de banalité qui ne se perd que par la distance. Nous avons déjà parcouru 15000 kilomètres de tours d’hélice en tours d’hélice. Voyager c’est aller découvrir, c’est aller connaitre, c’est être ouvert à l’émerveillement ou parfois à la déception. Comme souvent dans nos voyages, nous allons de rencontres en rencontres. Rencontres organisées ou fortuites.

Je garderai pour longtemps les images de l’arrivée à Ushuaia dans un temps frisquet et brumeux du petit matin. Je garderai comme un diamant la larme qui a coulé de mon œil lorsque j’ai ouvert la porte sur le balcon de la proue du bateau. Être là, se sentir vivant et heureux de l’être. Beaucoup de récifs émergent des eaux du canal Beagle. Notre bateau glisse, indifférent au danger connu, maitrisé. En douceur, il colle ses 100000 tonnes contre le quai. Des hommes sont là, ils nous attendent, ils attachent les amarres. Ainsi, le lien est fait, nous redevenons des terriens. Peu de temps après, je pose la pointe de mon pied droit sur la Terre de Feu.

Main dans la main, nous partons, tous les deux, les yeux et le cœur grands ouverts. Nous n’avons pas de projet précis, seulement celui d’être là, ensemble. Les rues qui s’éloignent du port sont en pente forte. Une grande avenue commerçante, parallèle à la mer est bien horizontale, nous la choisissons. Les maisons ont des couleurs vives, hétéroclites, il n’y a pas de règle établie. Même l’architecture a laissé une liberté totale aux créateurs. Notre premier sentiment est d’entrer dans la grande rue de Chamonix. Le style peut-être, ou les nombreux commerces liés aux sports. Mais surtout les montagnes qui sont là dans une présence qui nous relativise dans le petit. Les sommets paraissent hauts, les pentes sont très abruptes. L’altitude d’arrêt de la végétation forestière est très marquée. Le rocher est gris avec parfois un ton de violet. L’avenue de notre balade est essentiellement commerçante. Pour le tourisme évidemment, mais aussi pour la nécessité de vie des gens qui vivent ici. Dans une boutique, nous constatons que les prix sont élevés. Nous en faisons part à une vendeuse avec qui nous engageons une conversation. Elle nous apprend que la vie est très chère ici à cause de la difficulté des approvisionnements. La Terre de Feu est isolée du reste de l’Argentine. Entre deux boutiques, petit arrêt pour visiter la petite église du lieu et pour le bisou de circonstance. Elle est claire, simple, belle. Un lieu sans apparat, qui laisse de la place pour la pensée. Dans la rue, des poignées de livrets à la main, des évangélistes cherchent à vendre un autre Dieu.

Nous marchons à pas lents, comme deux badauds qui ont encore des étoiles dans les yeux du bonheur de découvrir. Marche, fatigue, nous faisons une pause dans un bar pour déguster un merveilleux chocolat. Nous profitons du temps de cette pause pour utiliser une liaison internetique. Le bateau restera quelques jours avec de très grandes difficultés de liaisons, les satellites étant un peu paresseux dans la région. Le froid peut-être. La latitude sans doute. Nous engageons la conversation avec la serveuse. Elle est sympathique, le patron aussi. Lui ne parle que l’espagnol, alors pour discuter, il utilise son téléphone comme traducteur dans un sens comme dans l’autre. Merci la technologie ! Retour tranquille sur le bateau.

Nous avions réservé une sortie en catamaran avant le départ. Je pensais à un petit bateau tranquille. Ce catamaran-là avait trois étages. Un peu gros à mon goût, mais attrait touristique oblige pour ce circuit animalier. Une première ile pour les cormorans, une ile pour les otaries, une ile pour les manchots. Surprenant ! J’avais, depuis longtemps remarqué que beaucoup d’humains étaient bête et sectaires. Ici, les bêtes manquent d’humanisme et de convivialité et vivent repliées en tribus. Chacun son ile ! Mais pour nous, c’est bien d’aller à leur rencontre dans un milieu naturel. J’ai même vu une maman manchot montrer à ses petits des humains dans leur cage flottante. Les petits semblaient très contents de ce zoo mobile, à un moment, ils nous ont jeté des graines. C’était très gentil de leur part.

Notre situation est très préoccupante. Nous sommes très inquiets. Nous ne savons même pas si nous trouverons une solution. Il est vrai qu’à notre âge, toute remise en question peut être problématique. En fait, la question fondamentale est : saurons-nous nous réhabituer à la vie ordinaire ? Au-delà du service restauration qui oscille entre le très bon et l’excellent, nous avons toujours une cabine impeccable et la possibilité d’aller danser plusieurs fois par jour. Les possibilités de loisir sont nombreuses et il est difficile de choisir. Le soir de notre week-end antarctique, nos organisateurs de loisirs ont eu la bonne idée d’inviter une troupe folklorique locale. Belle prestation. Mais comme ils jugeaient le spectacle insuffisant, après le repas du soir nous avons trouvé l’une des piscines, squattée par des pingouins tandis que les animateurs exécutaient des danses modernes qui n’étaient en rien pinguoinesques. Nous avons regardé cela en dégustant une crêpe fourrée avec un cocktail pour nous réchauffer l’esprit. Ne vous inquiétez pas, l’ennui n’est pas de mise sur notre frêle esquif !

Le lendemain, nous avons donné un contenu plus écologique à notre voyage. Balade en taxi sur la route numéro 3 qui vient de Buenos Aires (3100 km) elle se termine en piste dans le parc de la fin du monde. Des vues extraordinaires dans les forêts vierges de toute activité humaine.de beaux lacs que l’on surplombe, le canal de Beagle dont nous apercevons des branches et des anses. En d’autres temps, j’ai beaucoup couru les alpes, j’ai vu de belles montagnes, de beaux lacs, de belles forêts. Faut-il venir au bout du monde pour voir ce que nous avons près de chez nous ? Les paysages étaient semblables, mais nous les avons respirés différemment. Pour revenir de cette balade, le taxi passe par la banlieue nouvelle de la ville. Développement urbain, immeubles en construction. Pour Ushuaia, le tourisme est une richesse, sera-t-il sa perte ?

Retour technologique dans un bar WiFi. Bonjour Colette, Bonjour Céline, Bonjour Jacques et Janine. Puis cabine. Accoudé au bastingage du balcon, je regarde le bateau s’écarter du quai, il recule, tourne sur lui-même. La ville s’éloigne peu à peu. La larme de l’arrivée revient. Sans doute, ne reverrai-je jamais cet endroit, mais je suis si heureux de l’avoir connu. La magie est terminée. C’est la fin du monde qui s’éloigne.

 

© Pierre Delphin – lundi 3 février 2020

 

P1030168

P1020874

P1030100

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Nous re partons faire un tour
  • Quelques mots, quelques photos, quelques confidences pour partager avec notre famille, nos amis, nos bonheurs et nos découvertes lors de ce merveilleux voyage qui partira le 6 janvier de Marseille et qui se terminera dans le même port le 4 mai 2023.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Nous re partons faire un tour
Newsletter
9 abonnés
Visiteurs
Depuis la création 16 920
Publicité