Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Nous re partons faire un tour
26 février 2020

Nulle Part

 

Il y a trois jours que nous avons quitté le continent sud-américain. L’aventure est là, nous naviguons. Nous n’arriverons sur l’ile de Pâques, Rapa Nui, que vendredi matin. Les techniciens du bateau avec leur matériel sophistiqué doivent surveiller le point qui se déplace sur la carte électronique. Un point. Ici, nous ne sommes qu’un point. Eux savent où nous sommes. Nous les passagers, dans notre confiance aveugle, nous regardons les infinis.

Quand j’avais mon petit bateau, mon Baladin mesurait six mètres de long. C’est dérisoire par rapport au Magnifica qui mesure plus de trois cents mètres sur lequel nous sommes aujourd’hui. Cinquante fois plus long ! Il comprend seize étages. Gigantesque. Aujourd’hui, ce gigantesque dans lequel je suis tranquillement assis, n’est qu’un point dans un espace immense. Plusieurs milliers de kilomètres à la ronde autour de nous, il n’y a rien. Pas de terre, pas d’humain, rien. Même au-dessous nous, c’est le vide. Nous naviguons sur un fond à quatre mille trois cents mètres !

Sommes-nous quelque part dans le Pacifique, ou sommes-nous nulle part ? Pour le plaisir de la pensée, j’opterai pour dire, qu’à l’instant où j’écris, je suis nulle part. j’ai envie de me laisser aller à l’absence. Je ne vois pas de repère précis, objectif. Je n’identifie rien, chaque heure qui passe est identique à la précédente. Je n’ai aucune sensation d’ennui. Mais, au fait, les montres ne se sont-elles pas arrêtées ? Nous n’avons plus de communication téléphonique, plus de relation internet. Je regarde la beauté de nulle part, comme il fait bon y vivre ! Effectivement, je ne vois plus les personnes qui vivent la même aventure que moi, s’exciter sur les écrans de leurs machines à communiquer. Eux aussi sont nulle part, nous y sommes ensemble.

Nulle part, est-ce là l’Éden ? Ce lieu magique conté par la bible est-il exactement là où nous sommes ? Ce lieu magique n’est peut-être qu’autour de nous, même quand nous dissocions des environnements trop technologiques auxquels nous sommes habitués. Comme je suis bien nulle part, puisque c’est l’Éden. Enfin, la bible prend sens pour moi. Je sais que j’ai des amis, loin ; je sais que j’ai de la famille, loin. Je ne les ai pas abandonnés, mais l’espace d’un instant, quelques jours peut-être, je les ai oubliés. Ne reste que celle qui me tient la main à chaque instant. Restent aussi les amis rencontrés sur le bateau. Leur chaleur, leur présence, accompagne ma solitude dans ce nulle part. Mon cerveau se balance, il est en vacances, libre de ses mouvements. Je soupçonne même qu’à un moment d’endormissement, il soit sorti de sa boite pour aller respirer l’air du large. Ce coquin se permet parfois des chemins de pensées que je n’avais jamais eus sur la terre ferme. Je n’en laisse paraitre que quelques-uns à travers mes lignes. Je laisse libre le court de ses divagations et de ses errances. Souvent, mes pensées lorgnent sur les comportements humains, le mien inclut. Sur la nécessité de certains ont à vouloir être différents de ce qu’ils sont. Ainsi, ils apparaissent souvent moins beaux que la nature les a faits. Beaucoup sont ancrés dans des rites, des croyances, des usages, des habitudes. Tous ces carcans qui verrouillent leurs belles personnalités. Peut-être, à la fin du voyage, écrirai-je un lexique des typologies des personnes que nous avons rencontré. Cela sera une écriture amusante à faire.

Ce matin, j’ai rencontré une personne avec qui j’ai pu avoir en ce début de voyage, quelques sympathies. Comment allez-vous après votre chute, ma-t-elle demandé ? Pour rassurer son aimable attention, je l’ai rassurée, en lui disant que, maintenant, tout était rentré dans l’ordre normal. Question pleine de gentillesse, qui, oserai-je le dire, m’a déçu. J’aurais préféré qu’elle me demande : Quels sont les bonheurs que vous vivez dans cette journée ? Je suis tombé, oui et alors ! Je n’ai pas besoin que l’on me rappelle cette pénible expérience que j’ai déjà oubliée. Parce que, même le dos cabossé, les instants de plaisir existent. Je délire un peu dans mes pensées, pardonnez-moi, mais cela me fait du bien. Lorsque nous rencontrons un ami qui est dans la souffrance physique ou morale, peut-on en formule de rencontre lui dire : Oh, bonjour, quels-ont été aujourd’hui tes instants de bonheur ? Même si sa réponse est évasive, voire négative, cela devient notre rôle de prendre les commandes tenues par ses souffrances. Viens, allons ensemble prendre un verre dans un bistrot sympa, allons voir une exposition, écouter une musique ou assister à un opéra. Nous avons bien le temps entre deux conversations, d’évoquer rapidement les souffrances du moment.

Trois jours que nous naviguons. Si j’avais pris une photographie, toutes les cinq minutes depuis mon balcon, outre les phénomènes diurnes/nocturnes, toutes les photos auraient été identiques. Le film ainsi réalisé ne serait qu’une photographie d’une présence marine, statique. Nulle part. Comme ce nulle part comble va vie de ces quelques jours, comme il ne rend heureux. Il me rend à moi-même.

 

© Pierre Delphin – écrit le mercredi 19 février à 18h00

 

P1040999

 

Publicité
Publicité
Commentaires
D
ça doit être BON d'être déconnecté de cette façon :)
Répondre
Nous re partons faire un tour
  • Quelques mots, quelques photos, quelques confidences pour partager avec notre famille, nos amis, nos bonheurs et nos découvertes lors de ce merveilleux voyage qui partira le 6 janvier de Marseille et qui se terminera dans le même port le 4 mai 2023.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Nous re partons faire un tour
Newsletter
9 abonnés
Visiteurs
Depuis la création 16 919
Publicité